Crise sanitaire : un gouvernement sourd à l’accroissement des inégalités

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La pandémie de COVID 19 est à la fois socialement inégalitaire et facteur d’aggravement de ces inégalités. C’est du moins ce que soulignent de nombreuses études telles que l’enquête EpiCov, coordonnée par l’Inserm, parue début Octobre et qui dresse un premier tableau des personnes infectées.

Premier constat de cette analyse : si, étonnamment, les niveaux de vie les plus touchés sont les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus aisés, le confinement a indéniablement profité aux plus riches, du fait, notamment, de leurs conditions de logement. 

Selon EpiCov, les conditions de vie des populations les plus démunies, comme le surpeuplement par exemple, sont autant de facteurs de risque établis vis-à-vis du virus. Si  seulement 11 % des cadres sont touchés par le surpeuplement ce n’est pas moins de 21 % des personnels de nettoyage et 20 % des ouvriers du bâtiment qui vivent dans cette promiscuité. Celle-ci touche 29 % des personnes aux revenus les plus faibles et 41 % des immigrés de la première génération.

Par ailleurs, l’accès au télétravail a, lui aussi été assez inégalitaire ; 50 % des cadres ont pu y accéder contre seulement 1 % des ouvriers. En définitive le risque de contamination est plus faible lorsque l’on est un cadre vivant à 3 dans 100 m² qu’un ouvrier vivant à 5 dans 40m²…

Second constat, près de 30 % des professions ont vu leur situation financière se dégrader pendant la crise sanitaire. Ainsi près de 11 % des personnes de 18 à 64 ans occupant un emploi n’ont pas travaillé pendant le confinement. Cette situation a touché 14 % des employés non qualifiés, 16 % des ouvriers et 17 % des ouvriers non qualifiés contre seulement 5 % des cadres et professions intellectuelles supérieures.  Le recours au chômage partiel a également été massif chez les jeunes et dans les milieux populaires, confirmant ainsi que les catégories sociales les plus touchées sont plus généralement les personnes à faible revenu et les personnes immigrées de première et seconde génération. 

En parallèle, une autre étude, celle du Conseil d’Analyse Economique (CAE, structure placée auprès de Matignon pour réaliser des études économiques pour le gouvernement et les rendre publiques) démontre que, entre mars et août 2020, les 20 % des ménages les plus aisés ont capitalisé 70 % de la croissance du patrimoine financier. En d’autres termes, si la consommation a nettement été freinée au cours du premier confinement (-63 %) cela a donc conduit à une épargne « forcée ». Celle-ci représentait près de 50 milliards d’euros à la fin août 2020. Mais cela ne signifie pas pour autant que les Français se sont enrichis. Au contraire, l’épargne n’a été le fait que des plus aisés alors que les plus démunis n’ont ni épargné ni pu consommer.

C’est pourquoi, toujours selon le CAE, il convient de mettre en place « un soutien beaucoup plus franc aux ménages les plus modestes, plus exposés aux conséquences économiques des mesures sanitaires. »

Si, au moment où nous écrivons ces lignes, Elisabeth BORNE, la Ministre du Travail, a annoncé qu’une hausse du SMIC de 0,99 % serait effectuée au 1er janvier 2021, le gouvernement semble néanmoins aussi sourd face à la crise et toujours autant à l’écoute de ses « experts ». Ainsi, le 1er décembre dernier, le collège d’économistes diligenté par le gouvernement pour auditer le SMIC a préconisé de s’abstenir de tout « coup de pouce » au 1er janvier au-delà de la revalorisation automatique. Ces derniers semblent donc avoir, eux, bien été entendus. 

Pourtant au niveau Européen, il semble que le message a été bien perçu par certains gouvernements. Ainsi en Espagne, le salaire minimum a déjà été augmenté de 22 % en 2019, soit la plus forte hausse depuis 1977, puis de 5,5 % en 2020. Au Portugal l’objectif d’une hausse de 25 % du salaire minimum sur la durée du mandat a été fixé. Ainsi l’état portugais a acté une hausse de 4 % pour 2019 et de 6 % en 2020. Même chez nos voisins allemands une revalorisation de 8 % du salaire minimum a été décidée ! Au Luxembourg une hausse de 2,8 % au 1er janvier 2021 a déjà été annoncée.

En France, la part des salaires dans la valeur ajoutée ne cesse de décroître et l’immobilisme de notre gouvernement fait la part belle au patronat qui n’hésite pas à diminuer les salaires comme c’est le cas chez Derichebourg, Ryan Air ou au sein du groupe l’Equipe chez qui des baisses de salaires de 10 % à 20 % ont été actées.

L’absence de mesures concrètes quant à un soutien des plus faibles conjugué à la crise sanitaire, sociétale et économique que traverse actuellement notre pays amène à craindre le pire. Ainsi, selon l’Observatoire des Inégalités, la France comptait 5,3 millions de pauvres en 2018. Dans son rapport sur la pauvreté en France, cet organisme indépendant précise que si 8,3 % de la population Française vivait sous le seuil de 50 % du niveau de vie médian en 2018, il est, à l’heure actuelle, impossible d’évaluer le niveau de la pauvreté en 2020. L’observatoire estime néanmoins que 20 % de la population a subi de plein fouet les conséquences économiques de la crise.

Ainsi, la chute de près de 10 % du PIB devrait avoir des répercussions considérables. Fin septembre le nombre de foyers allocataires du RSA avait déjà bondi de 10 % par rapport au début de l’année, soit environ 400.000 personnes. A la même période le nombre de chômeurs avait augmenté de 360.000 et la hausse devrait être comprise entre 800.000 et 900.000 nouveaux chômeurs d’ici la fin de l’année 2020.

Si une reprise de l’économie semblait s’amorcer, le second confinement de novembre a ruiné tout espoir d’amélioration. Toujours selon l’Observatoire des Inégalités, ce seront les jeunes qui vont être le plus touchés, parce qu’ils occupent les emplois les plus précaires mais aussi parce qu’ils subissent directement l’incertitude générale du monde de l’entreprise qui multiplie déjà les suppressions de postes comme c’est le cas chez Danone, Sodexo, Bridgestone ou Disney. Au 30 novembre c’est près de 36.000 postes qui ont été supprimés sur toute la France et tous secteurs confondus.

De nombreuses PME ont déjà, à ce jour, consommé l’intégralité du Prêt Garanti par l’Etat (PGE) qui leur avait été accordé et tous les experts s’accordent pour dire que le pire est à venir face à une troisième vague qui sera plus économique que sanitaire. Si l’ensemble des PGE représentent la bagatelle de 125 milliards d’Euros à fin novembre, cela n’empêche pas 16 % des grand groupes à évoquer des difficultés de liquidités.

La DARES (Direction de l’Animation de la Recherche et des Statistiques) décomptait récemment 657 restructurations engagées, soit 67 605 emplois depuis le 2 mars dernier. 

Les inégalités s’accroissent, la pauvreté augmente quand les plus aisés n’ont jamais été aussi riches et l’Etat lui, en appelle toujours à la solidarité collective. Rien de nouveau sous le soleil donc, car, comme l’écrivait Coluche « il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit c’est comme ça ».

Vincent OUZOULIAS
Expert-Comptable
Commissaire aux comptes